INRA
Mis à jour le 11/01/2019
Publié le 11/01/2019
En raison de préoccupations en matière de santé, de bien-être animal ou plus largement sur la durabilité pour la planète de notre mode de vie occidental, nombre de nos contemporains s’interrogent sur leur consommation de viande. Cet avis scientifique de l’Inra vient éclairer les bénéfices et les limites d’une telle consommation. Il est enrichi de données chiffrées permettant de mieux appréhender ces questions.
Dans un contexte de changements globaux, notamment climatiques, environnementaux et démographiques, les modalités des transitions écologiques et alimentaires font l’objet de nombreux débats. Parmi ceux-ci, les impacts pour la santé et pour l’environnement de la consommation de produits animaux, la durabilité des systèmes d’élevage et le statut et bien-être de l’animal sont questionnés. Alors que la demande mondiale en produits animaux s’accroît très rapidement dans plusieurs régions du monde, notamment en Chine, la consommation de viande diminue en Europe et en France et évolue vers une exigence de qualité nutritionnelle, de pratiques d’élevage privilégiant le bien-être des animaux et minimisant l’empreinte environnementale. En relation avec le plaidoyer Meatless monday lancé en 2003 aux États-Unis, en association avec l’école de santé publique de l’Université Johns Hopkins, et relayé dans une quarantaine de pays, une campagne de sensibilisation pour remplacer la viande et le poisson par des produits végétaux, une fois par semaine (« Lundi vert »), afin de mettre en place de nouvelles habitudes alimentaires, a été soutenue par plusieurs personnalités françaises en ce début 2019.
L’avis scientifique de l’Inra sur les bénéfices et les limites de la diminution de la consommation de viande est présenté ci-dessous. Il est accompagné de quelques données (page suivante).
Avis scientifique de l'Inra
Peut-on diminuer la consommation de viande sans risque pour la santé ?
En France, la consommation moyenne de produits animaux par une population adulte en bonne santé est supérieure aux besoins nutritionnels. Une diminution de la consommation de produits animaux, notamment de viande rouge (bœuf, veau, mouton, agneau, porc) et de produits carnés transformés, ne présente pas de risque pour la santé. Au contraire, le rééquilibrage entre produits animaux et produits végétaux, avec plus de fruits, légumes, légumes secs, fruits à coque, autant de produits laitiers et moins de produits carnés est une recommandation en faveur de la santé.
En revanche, certains groupes de populations, notamment les personnes âgées, les enfants et les femmes en âge de procréer, ont des besoins spécifiques en protéines de haute qualité nutritionnelle et en micronutriments (minéraux et vitamines), présents dans les produits animaux et facilement assimilables par l’organisme. La réduction de la consommation de produits animaux doit être accompagnée avec attention chez ces personnes.
De la même façon, l’exclusion totale des produits animaux du régime alimentaire (régime végétalien) demande une bonne expertise en nutrition pour équilibrer le régime (voire le supplémenter) et ne pas induire de déficiences d’apports et de carences en nutriments et micronutriments essentiels, qui peuvent être moins présents dans les produits végétaux et moins bien assimilés par l’organisme.
En quoi cela serait-il bénéfique pour l’environnement ?
La diminution de la consommation de viande par tous les pays gros consommateurs permettrait de réduire l’empreinte environnementale de l’alimentation et par conséquence de la partie liée à l’élevage, en diminuant les émissions des gaz à effet de serre, en économisant sur les ressources en eau et en diminuant leur pollution par des nitrates, en réorientant des terres cultivables vers l’alimentation humaine sans augmenter la déforestation.
Toutefois, certains types d’élevage, conduits de façon agro-écologique, apportent également des services environnementaux, en utilisant des surfaces en prairies impropres à la culture mais favorables à la biodiversité, au stockage du carbone, à la filtration de l’eau. Sans élevage ces surfaces disparaîtraient et les paysages se fermeraient. D’autres types d’élevage permettent de valoriser des coproduits ou sous-produits des filières végétales qui ne sont pas consommables directement par l’homme en les transformant en produits de bonne qualité nutritionnelle ; ils permettent également de fournir des effluents pour la fertilisation des sols et/ou pour de l’énergie renouvelable, en favorisant le bouclage des cycles biogéochimiques.
Un monde sans élevage et sans consommation de produits animaux est-il souhaitable ?
L’élevage est souvent présenté comme étant en compétition avec l’alimentation humaine. En fait, si toutes les populations du monde adoptaient un régime végétalien, il faudrait plus de terres cultivées pour nourrir la planète. En effet, il faudrait consommer plus de produits végétaux pour satisfaire les besoins humains en calories, en protéines et en certains micronutriments. Les simulations du nombre d’hectares cultivés nécessaires pour nourrir une population montrent que ce nombre est plus faible avec un régime alimentaire contenant entre 10 et 25 g/j de protéines d’origine animale (ce qui est également cohérent avec les apports de 25-30 g/j conseillés par l’Organisation Mondiale de la Santé). Ce seuil correspond à la quantité d’animaux qui peuvent être nourris en utilisant seulement les surfaces agricoles non cultivables et les coproduits végétaux non consommables par l’homme. Au-dessous de ce seuil, ces ressources sont « gaspillées » et un surplus de terres cultivées est nécessaire pour fournir les produits végétaux apportant l’énergie et les nutriments nécessaires à l’être humain. Au-dessus de ce seuil, il faut mobiliser de plus en plus de terres cultivées pour nourrir les animaux, en compétition avec l’alimentation humaine.
La suppression de l’élevage diminuerait l’émission des gaz à effet de serre et économiserait de l’eau disponible pour d’autres besoins humains. Néanmoins, l’impact exact d’un tel scenario devrait être analysé plus finement en prenant en compte l’ensemble des services et externalités environnementales de l’élevage ainsi que les modes d’utilisation des sols ainsi libérés. En effet, l’élevage permet d’entretenir des prairies permanentes qui sont propices à la biodiversité, qui filtrent l’eau et stockent du carbone. Leur retournement conduirait à déstocker du carbone.
La suppression de l’élevage dans un pays comme la France nécessiterait la reconversion de plusieurs centaines de milliers de personnes et une réforme complète du secteur agricole en plus de celle du secteur de l’élevage. Elle demanderait également une adaptation sociale et une adaptation culturelle de très grande ampleur. Enfin, les prairies et les activités d’élevage associées contribuent au maintien de la vie sociale dans le milieu rural et de l’emploi dans des territoires faiblement peuplés, en participant de façon importante à la qualité et à la diversité des paysages.
À l’échelle mondiale, l’élevage contribue à faire vivre 800 millions de personnes pauvres dans les pays du Sud et il a un rôle essentiel pour l’amélioration du statut des femmes. Il contribue à la sécurité alimentaire mondiale en valorisant des surfaces qui ne sont pas cultivables. La suppression de l’élevage entraînerait un accroissement de la pauvreté, une augmentation de l’insécurité alimentaire et une recrudescence de la sous-nutrition et des maladies de carences alimentaires.