2005 le point des Vuillon

Beaucoup de gens des Amap nous demandent pourquoi, Daniel et moi, nous avons quitté Alliance Provence; Nous avons fait avec vous un bout de chemin dans l'Amap, c'est pourquoi je vous livre quelques réflexions qui expliquent notre retrait d'Alliance Provence.

Vous savez que depuis le printemps 2005 nous subissons des attaques directes et indirectes, une polémique ( autour de la lettre d'un stagiaire ) et les problèmes qui s'en suivent. D'autres attaques personnelles ont continué, affabulatrices et diffamatoires, portant atteinte à notre moral. Nous n'avons pas répondu à ces lettres et attaques personnelles. Mais, nous n’avons plus de pression depuis que nous nous sommes retirés d’Alliance Provence. Tout ceci était une manœuvre de déstabilisation et une entreprise de démolition envers ceux qui ont initié et porté ce concept Amap. Comme beaucoup d’entre vous, agriculteurs et consommateurs, nous nous sommes opposés aux nouvelles orientations votées en A.G.d’Alliance Provence, qui, dans leurs applications, vont introduire des intervenants extérieurs au mouvement des Amap alors que l’Amap est née justement en dehors de ces intermédiaires techniques, académiques et syndicaux.

Un petit rappel

Ce mouvement des Amap s’est très vite amplifié parce que la fatalité a voulu que nous soyons producteurs et que, de ce fait, nous pouvions agir directement sur le terrain, sur les 2 points principaux en même temps :

  1. Auprès du producteur candidat : Sous l’œil motivé du consommateur responsable, alors que la situation agricole était et elle est toujours, désastreuse, nous avons apporté aux producteurs candidats mais dubitatifs, le témoignage de notre propre expérience et mis en valeur les aspects positifs et encourageants de cette économie solidaire et alternative.(Dans les Amap, 60% des producteurs sont en AB) Excepté ceux qui étaient en bio et qui faisaient les marchés, l'accompagnement technique dans l’objectif du respect de la Charte d’Alliance Provence a aussi été nécessaire pour beaucoup; mais cela n'a pas été un problème pour un maraîcher de 35 ans d'expérience comme Daniel, dans la recherche permanente de biodiversité et de pratiques agricoles saines.
  2. Auprès des consommateurs, nous avons été la passerelle sociale entre l'agriculteur et les représentants consommateurs de la future Amap. Notre rôle a été de valoriser la démarche des consom'acteurs aux yeux du paysan pour permettre le rapprochement des " futurs partenaires" dans un climat de confiance. S'il n'y avait pas eu cette relation qui caractérise notre système Amap il n'y aurait pas eu d'Amap possible. Mais, si, dans cette relation ou ce lien, on ajoute un intermédiaire, voire une étape technique dans la méthode, je pense qu'on entamerait l'intégrité de ce partenariat et je ne suis pas sûre que le développement des Amap n’en pâtisse pas. D’ailleurs, dans le triste constat de l’agriculture française, le problème de la disparition des agriculteurs n’est pas un problème de compétence professionnel, mais, ceux qui sont encore là sont des « bons » ou des paysans dans l’âme qui trouvent dans l’Amap, le seul moyen de sortir de cette impasse économique et sociale et ne veulent pas retomber dans le système des servitudes politico-économiques vouées à l'échec.

Bien sûr, très vite après avoir créé la 1ère Amap en 2001, avec les consommateurs d’Aubagne, nous avons eu besoin de créer l’outil de coordination et de développement des Amap: Alliance Provence. C’est avec l’aide de cette structure fédérative que toutes les créations d’Amap ce sont faites sur le principe du bénévolat, sans intervention extérieure et, dans le réseau des Amap, chaque Amap reste une aventure humaine. La demande de création d’Amap était telle qu’en 2004 j'ai proposé la création des Antennes locales pour se répartir "l'essaimage" des Amap et j’ai insisté pour que l'aide à la création d'Amap continue à se faire sous la double responsabilité :

  • d’1 producteur expérimenté en Amap
  • d'un ou deux consommateurs représentant la future Amap.

Le rôle de ce paysan expérimenté en Amap est essentiellement social. Il est souvent dans la confidence des agriculteurs en difficulté et je ne vous dirai jamais assez combien l’Amap, grâce à la solidarité des consommateurs, a été « la solution »inespérée dans certaines situations. Si je devais faire un bilan des 4 années ½ de cette solidarité basée sur la confiance, je peux dire, qu’à l’issue de cette relation, je n’ai jamais vu le paysan en Amap trahir cette confiance.

Les nouvelles orientations

Depuis le début de l'année 2005 d’autres propositions d'orientations ont été imposées aux producteurs en Amap de la commission agricole d'Alliance Provence, qui, avant l'Assemblée Générale du 5 juin 2005, se sont réunis à Trets et ont pris une position contre certains points des orientations qui portent atteinte à la méthode que nous avons expérimentée sur le terrain, qui a porté ses fruits et qui a permis, dans le respect de la Charte, de maintenir une centaine d'agriculteurs en activité. Malgré notre désaccord, il y a un acharnement à vouloir appliquer certains points, votés à l'A.G. par 7,5% des consommateurs d'Alliance Provence et rejetés par bon nombre de producteurs en Amap.

Pourquoi cette obsession ? Ex: qu'est-ce que viennent faire les orientations de l'A.G. sur l'invitation à la fête des AMAP du 20 nov, si ce n'est un tremplin et une occasion de vous faire travailler sur la modification de la charte pour y intégrer les structures partenaires du développement agricole. Que ce soit une structure syndicale agricole sympathisante des Amap ou une structure de développement de l’agriculture biologique à la solde des lobbies de la certification, ni l’une, ni l’autre, ne pourra remplacer la ressource humaine et la solidarité dans le réseau des Amap et l’accompagnement par un producteur « parrain » en Amap. C'est l'histoire des Amap dans notre région PACA. C’est la méthode qui a permis de faire avancer le concept beaucoup plus rapidement que dans les régions ou dans les pays où cette « dynamique d’agriculteurs en amap » n’existait pas.

Notre décision

N’y voyez aucune appropriation de la méthode mais au contraire un plaisir de passer un relais dans cet « état d’esprit ». Dans l’organisation de l’essaimage, nous avons tout fait pour passer ce relais de la méthode initiale. A présent, cela n'a plus de sens de défendre le système Amap dans une telle divergence au sein d'Alliance provence. Nous ne pouvons pas cautionner ce changement profond de notre concept ;c'est pourquoi, Daniel et moi nous arrêtons notre service à Alliance Provence. Nous sommes soutenus par le réseau national des Amap: ( compte rendu de la rencontre de Lyon en P.J.) qui s’appuie sur cette Charte et estime qu’elle garantit l’éthique des pratiques agricoles.
D’ailleurs le réseau national s’adresse à vous, pour conserver cette Charte en l’état.
D’autant que certaines structures de l’AB n’attendent que la modification de la charte d’Alliance Provence pour s’occuper du développement des Amap, ce qui n’est pas possible avec la Charte tel qu’elle est actuellement. Certains d'entre vous ont été référents comme nous,et c'est avec vous, actifs et bénévoles que nous avons posé les 1ères pierres de cette belle expérience et réussi les Amap. Nous comptons sur vous pour continuer à porter les Amap dans le même état d'esprit de solidarité à l'agriculteur en difficulté. Le Maintien de l’Agriculteur, c’est la 1ère urgence. Vous pouvez compter sur nous pour continuer à porter les Amap partout où nous sommes amenés à le faire et accompagner les producteurs qui en ont besoin.
Nous souhaitons longue vie aux Amap et que consommateurs et producteurs vous continuiez à y vivre des bonheurs simples d'échange et de partage.

Denise et Daniel Vuillon - Les Olivades le 15 nov 2005